mercredi 31 août 2016

4936 - pas encore synonymes

Premier "camp d'extermination", Belzec entra en service fin février 1942
… sur le papier, et en tant que numéro 2 de la SS, Heydrich demeure théoriquement subordonné à Himmler, mais dans son fief de Bohème-Moravie, et en tant que Reichsprotektor "adjoint", il n’est plus redevable que devant Hitler, ce qui le rend de facto intouchable et donc en mesure de faire ce qu’il veut de "ses" Juifs.

Pourtant, en cet automne de 1941, les "évacuations" qu’il ordonne, et auxquelles personne, pas même Frank, ne peut plus s’opposer, ne sont pas encore synonymes d'"extermination"

Heydrich n’ignore certes pas le sort funeste qui attend les Juifs ainsi expulsés vers des ghettos déjà surpeuplés, et il sait fort bien que, chaque jour, des milliers de Juifs, mais aussi de Roms, de communistes, de prisonniers de guerre ou de civils russes, meurent du fait des politiques voulues par le Troisième Reich et mises en oeuvre par lui-même et ses hommes, et en particulier par ses Einsatzgruppen actuellement engagés en URSS et dont il exige des rapports complets et quotidiens sur leurs "progrès" dans le "traitement" de la "question juive".

Il sait aussi que le 13 octobre 1941, dans la foulée du "succès" des premières expériences de gazage à Mogilev (près de Minsk), Odilo Globocnik, chef SS du district de Lublin, a réclamé, puis obtenu d'Himmler, la construction, au camp de Belzec, d'une chambre à gaz destinée à tous les Juifs de son district reconnus "inaptes au travail" (1)

Et il sait également que moins d’un mois plus tard, Arthur Greiser a pour sa part accepté la déportation dans le Warthegau de quelque 100 000 Juifs allemands en "échange" de l'extermination, au camp de Chelmno, d'un nombre au moins équivalant de Juifs du Warthegau (2)...

(1) les travaux de construction débutèrent le 1er novembre 1941
(2) au final, quelque 150 000 Juifs furent assassinés dans ce camp, situé à une soixantaine de kms de Lodz

mardi 30 août 2016

4935 - changement de garde

Heydrich et son épouse, à Prague
... Prague, 24 septembre 1941

Le premier de ces événements est en apparence anodin : le 24 septembre, Adolf Hitler, exaspéré par les défaillances et les atermoiements du Reichsprotektor de Bohème-Moravie - et ex Ministre des Affaires étrangères - Konstantin von Neurath, a en effet décidé, plutôt que de le démettre officiellement, de lui "adjoindre" un véritable "homme au coeur de fer"... 

... Reinhard Heydrich 

Officiellement, et dans le plus pur style hitlérien, Heydrich n'est cependant pas Reichsprotektor en titre, mais plutôt "suppléant" ("Statthalter"), mais à Prague, tout le monde - à commencer par von Neurath lui-même - sait fort bien que c'est lui qui détient le Pouvoir véritable.

Et ce Pouvoir, Heydrich, fidèle à sa réputation, entend bien l'exercer avec rigueur, non seulement pour tuer dans l’œuf toute idée de rébellion au sein de la population, mais aussi, et surtout,... pour faire de Prague la première métropole d'Europe occupée authentiquement "judenrein", "débarrassée des Juifs"

Dès le 1er octobre, Heydrich ordonne ainsi à toutes les organisations juives du Protectorat de procéder au recensement complet de tous leurs coreligionnaires, ce que celles-ci, terrorisées à la seule évocation de son nom, s'empressent aussitôt de faire... favorisant par la-même leur future "évacuation".

Le 10, flanqué du toujours aussi inévitable Adolf Eichmann, Heydrich proclame son intention de vider le Protectorat de tous les Juifs "d'ici la fin de l'année" : rassemblés dans un premier temps à Theresienstadt, ces derniers sont ensuite déportés, à partir du 15 octobre, et à raison d'un millier par jour, vers le ghetto de Lodz,... autrement dit dans le Gouvernement général de Pologne puisque aucun "territoire à l'Est" n'est encore - et ne sera d'ailleurs jamais - disponible !

Mais comme il faut bien s'attendre à ce que Hans Frank, et les autorités locales de Lodz, poussent des cris d'orfraie face à un pareil afflux, les cas les plus "lourds", autrement dit les Juifs les moins capables de travailler - soit une cinquantaine de milliers de personnes - sont plutôt expédiés à Minsk et à Riga,... où Artur Nebe et Otto Rasch, respectivement responsables des Einsatzgruppen B et C, leur réservent un accueil aussi "approprié" que définitif...

lundi 29 août 2016

4934 - avec "quelques efforts de plus"...

Fantassins russes à l'offensive... mais pour combien de temps ?
... mais aussi spectaculaires soient-elles, aucune de ces mesures ne pourrait sauver l'Armée allemande si Staline ne faisait à présent preuve du même optimisme, et du même aveuglement, qu'Hitler !

Encouragé par le formidable succès de sa contre-attaque qui, en quelques semaines, a repoussé le Groupe d'Armées centre sur près de 160 kms, le Petit Père des Peuples en arrive lui aussi  à la conclusion qu'avec "quelques efforts de plus" il pourrait tout aussi bien raccompagner les Allemands jusque Berlin, et gagner ainsi la guerre à lui tout seul !

Le 5 janvier 1942, il réclame donc rien de moins qu'une offensive de grande envergure tant vers le Nord et Leningrad, que vers le Sud et la Crimée.

En vain le maréchal Joukov tente-t-il d'attirer son attention sur l'impossibilité matérielle d'une telle entreprise, avec des troupes épuisées, trop peu nombreuses et encore très mal équipées.

Et ce qui devait arriver arrive : après quelques jours, la grande offensive de Libération dégénère en une succession d'escarmouches indécises et sans orientation précise, lesquelles voient des milliers d'hommes des deux camps mourir en pure perte, avançant et reculant au fil des attaques et contre-attaques.

A la mi-janvier, le Front est finalement stabilisé : l'Allemagne n'a pas gagné la guerre; l'URSS ne l'a pas perdue - la guerre, tout simplement, continue, ce qui, pour les Juifs d'Europe, constitue une nouvelle d'autant plus dramatique que deux autres événements capitaux sont venus, dans l'intervalle, encore obscurcir leur avenir...

dimanche 28 août 2016

4933 - "obliger les troupes à une résistance fanatique"

Reddition de soldats allemands : le sort qui les attend est tout sauf enviable...
... malgré son extrême répugnance à abandonner un terrain si chèrement conquis, et à accepter les arguments de ses généraux qui le supplient d'autoriser la retraite, Hitler comprend enfin que l'armée allemande n'a pas les moyens de tenir un Front aussi vaste face à la centaine de divisions rassemblées par les Soviétiques.

Mais dans son esprit, se profile néanmoins le spectre de la Berezina, cette Berezina maudite qui a vu Napoleon perdre son armée - et ensuite son trône - après avoir ordonné, en plein hiver, une retraite si précipitée qu'elle s'est rapidement transformée en débâcle : forcés d'abandonner armes et matériel, privés de tout abri dans la steppe, mourant de faim et de froid, constamment harcelés par les Russes, les soldats de la Grande Armée sont en effet morts par dizaines de milliers (1)

Alors Hitler ordonne : il faut, dit-il "obliger les troupes à une résistance fanatique sur leurs positions, sans tenir compte de l'ennemi qui enfonçait les flancs ou l'arrière (...) Il ne saurait être question de retraite. Hormis en certains endroits où il y a eu pénétration profonde de l'ennemi" (2)

Et comme, sur le terrain, bon nombre de généraux n'y croient plus, le maréchal von Bock est relevé de son commandement le 18 décembre; le lendemain c'est au tour du maréchal von Brauchitsch, commandant en chef de l'Armée de Terre !

Et comme cela ne suffit pas encore, Hitler décide, le 19 décembre, et à la stupéfaction générale, d'ajouter la charge de commandement en chef de l'armée de Terre à celles, déjà considérables, de Chef de l'État et de Chancelier du Reich !

"Une petite affaire de commandement tactique", dit-il, "à la portée du premier venu" (4)

(1) au total, la Campagne de Russie coûta la vie à quelques 300 000 soldats français
(2) Kershaw, pp 661-662
(3) au total, 35 généraux seront ainsi limogés durant l'hiver même si - Hitler n'étant pas Staline - aucun ne sera cependant fusillé pour l'exemple, chacun conservant même sa solde complète...
(4) Kershaw, page 663

samedi 27 août 2016

4932 - quand "le Russe" ne l'entend pas de cette oreille...

T34 et fantassins russes, en route vers le Front
... Moscou, 6 décembre 1941

Car depuis des semaines, et dans le plus grand secret, le maréchal Gueorgui Joukov a en effet fait rassembler plusieurs centaines de milliers d'hommes, et plus de 1 700 chars, prêts à donner l'assaut sur un Front large de 300 kms, et par des températures largement inférieures à - 20 degrés.

Du côté allemand, c'est aussitôt le chaos,... un chaos savamment amplifié par une multitude de saboteurs et de petites unités d'éclaireurs ou de partisans qui, n'en déplaise aux Einsatzgruppen et aux bataillons de Police d'Heydrich, parviennent à opérer vingt ou trente kilomètres à l'intérieur des lignes allemandes !

Paralysées par le froid et la neige, privée de renforts et du soutien d'une Luftwaffe qu'une campagne de six mois a réduite à peau-de-chagrin (1) les troupes allemandes et leurs blindés n'ont d'autre choix que de retraiter, souvent sans en avoir reçu l'ordre.

Moscou est sauvée, et en dix jours, le groupe d'armée centre du maréchal Fedor Von Bock n'a d'autre choix que de reculer sur près de 160 kms, effaçant du même coup une bonne partie de ses succès de l'été et de l'automne.

Pour les Allemands se profile alors le spectre d'une nouvelle Berezina...

(1) en six mois d'offensive, la Luftwaffe a perdu plus de 1 700 avions, soit environ la moitié de ses effectifs initiaux

vendredi 26 août 2016

4931 - "le Russe est fini"

Panzer IV près de Moscou. Leurs chenilles étaient inadaptées à l'hiver russe
... A l'évidence, la situation militaire à l'Est, en cette fin d'année 1941, ne correspond nullement aux attentes du Führer et de son État-major : loin de fournir le blé, le pétrole et la main d'oeuvre servile dont le Reich a besoin, l'Union soviétique absorbe au contraire toujours davantage de ressources matérielles et humaines en provenance non seulement du Reich mais aussi des pays occupés; et loin de goûter à un repos bien mérité et au chaud, les soldats allemands continuent d'affronter les forces ennemies, et grelottent de surcroît sous la neige en espérant - sans trop y croire - la venue de renforts et d'équipements hivernaux.

Comme l'écrira le général Günther Blumentritt, "nous avons découvert en octobre et début novembre que les Russes que nous avions anéantis n'avaient en rien cessé d'exister comme puissance militaire. (...) Tout cela était pour nous inattendu. Nous ne pouvions pas croire que la situation se transformerait ainsi alors qu'après nos victoires décisives, Moscou nous semblait à portée de mains" (1)

Au sein de l'armée allemande, personne néanmoins ne parle encore de retraite, ni a fortiori de défaite, mais tout au plus d'un "contre-temps", certes extrêmement fâcheux, mais néanmoins surmontable.

"Le Russe", comme ne cesse d'ailleurs de le rappeler Hitler, "est fini", et sera définitivement vaincu au printemps, lorsque le retour du beau temps, l'arrivée de renforts et d'armes nouvelles, permettra de reprendre le combat...

... le problème, c'est que "le Russe" en a décidé autrement.

(1) Fana de l'Aviation, HS no 31, page 93

jeudi 25 août 2016

4930 - si près et pourtant si loin...

Fantassins et chevaux allemands, lors de la Bataille de Moscou
... Moscou, 2 décembre 1941

Le 2 décembre, par un froid glacial les avant-gardes allemandes, épuisées, se trouvent à seulement 20 kms du centre-ville de Moscou.

C'est fini : elles n'iront pas plus loin...

... car bien que constamment victorieuses depuis l'été, les voilà à présent bloquées par l'hiver, et surtout san sêtre pour autant parvenues à briser la résistance soviétique, ni à se rendre maîtresses des deux principaux objectifs de la campagne : le blé de l'Ukraine et le pétrole du Caucase.

"L'hiver était arrivé en force, avec de la neige, des vents glaciaux et des températures descendant à moins vingt degrés centigrades. Les moteurs des chars allemands étaient totalement gelés. Sur le Front, les fantassins, épuisés, creusaient autant pour se protéger du froid que pour échapper aux bombardements ennemis. Le sol était si gelé qu'il fallait y allumer de grands feux avant d'essayer même d'y faire le moindre trou. Les personnels des États-majors et des bases arrières occupaient les maisons des paysans, après avoir froidement expulsé ceux-ci.

Hitler s'étant refusé à envisager une campagne d'hiver, ses soldats souffraient terriblement. Leurs uniformes trop minces ne les protégeaient pas du froid, et leurs bottes de cuir bien serrées ne faisaient que favoriser les gelures (1) Ils avaient donc pris l'habitude de voler les vêtements et les bottes des prisonniers et des civils. A certains moments, seuls leurs casques à la forme caractéristique permettaient de les identifier comme des hommes de la Wehrmacht"
(2)

(1) à la Noël 1941, on dénombrait plus de 100 000 cas de gelures !
(2) Beevor, op cit, page 68

mercredi 24 août 2016

4929 - "Il ne peut y avoir de retraite !"

Panzers bloqués dans la neige. Hitler n'avait pas prévu de combattre en hiver
... fin 1941, alors que la boue cède la place à la neige, les troupes allemandes en route vers Moscou ont donc finalement moins progressé... que celles de Napoléon cent trente ans plus tôt (!)

(...) La Wehrmacht commençait à être gravement handicapée par le temps. La visibilité plus que réduite contrariait considérablement "l'artillerie volante" de la Luftwaffe (...) Les armées du Maréchal Von Bock (...) s'efforçaient désespérément d'achever l'ennemi avant que l'hiver ne commence pour de bon. Durant la deuxième quinzaine de novembre, les combats furent incessants.

(...) D'un point situé au Nord de Moscou, les officiers allemands pouvaient voir à la jumelle les flammes de départ des canons antiaériens entourant le Kremlin. Joukov ordonna à Rokossovski de tenir le Front à Krioukovo avec les restes de sa 16ème armée. "Il ne peut y avoir de retraite !", proclama-t-il le 25 novembre"

(...) A la fin de novembre, dans une ultime tentative, le Maréchal von Kluge dépêcha une force importante sur la principale route conduisant à Moscou, la chaussée de Minsk, qu'avaient empruntée les troupes de Napoléon. Les Allemands réussirent la percée, mais le froid paralysant, et la résistance suicidaire des régiments soviétiques, finirent par briser leur offensive"
(1)

Faute de graisse spéciale, le mécanisme des fusils allemands se bloque, les rendant inutilisable, et les tankistes, à supposer qu'ils  parviennent à démarrer leurs chars figés par le froid, ne peuvent qu'envier leurs adversaires russes qui, grâce à la largeur inhabituelle des chenilles de leurs T-34, arrivent à progresser sans trop de peine dans une neige profonde qui paralyse au contraire les Panzers (2)...

(1) Beevor, pp 66-67
(2) avec leur largeur de 560mm, les chenilles des T-34 russes étaient 45% plus large que celles des chars allemands. Ce défaut ne fut corrigé qu'en 1943, à l'apparition des Panther et Tiger... dont le roulement excessivement complexe n'en continua pas moins de poser d'énormes problèmes dans la neige profonde.

mardi 23 août 2016

4928 - quand chaque jour compte

La Raspoutitsa : l'enfer de la boue... juste avant l'hiver
... car plus que la résistance des Soviétiques, ou leur politique de "Terre brûlée", c'est l'immensité russe, et la météo, qui au bout du compte finissent par réduire l'avancée des troupes allemandes à presque rien.

Combattre en Russie implique en effet la traversée d'immenses territoires où les routes - lorsqu'elles existent  ! - se résument le plus souvent à de simples pistes de terre, qui se transforment en autant de bourbiers innommables à la moindre pluie.

"La saison des pluies et de la boue, la raspoutista, vint s'installer vers le milieu d'octobre. De plus en plus souvent, les camions allemands ne purent plus circuler et l'on dut réquisitionner dans les fermes communautaires, à des centaines de kilomètres à la ronde, des charrettes paysannes

(...) En certains endroits où l'on ne trouvait plus de troncs de bouleau pour construire une piste solide, on utilisa des cadavres russes comme "traverses" pour construire des chaussées improvisées. Il arrivait souvent qu'on vit un soldat allemand perdre une botte, aspirée par la boue où l'on s'enfonçait parfois jusqu'au genou

(...) Mais ce que tous redoutaient le plus, c'était le gel qui n'allait plus tarder. Nul n'oubliait que chaque jour comptait
(1)

(1) Beevor, op cit, page 62

lundi 22 août 2016

4927 - jusqu'ici, tout va bien...

Fantassins allemands dans la steppe. Jusqu'ici, tout va bien...
… véritable trahison des "idéaux raciaux", cette transformation en "Légion étrangère" ne va naturellement pas s’opérer sans réticence ni grincement de dents.

La dégradation progressive, mais continue, de la situation sur le Front de l’Est, ne laisse cependant pas d’autre alternative : le 3 juillet 1941, enthousiasmé par la fulgurante progression des troupes allemandes en URSS, le général Franz Halder, chef de l'État-major général, a certes écrit qu'"il n'est donc probablement pas exagéré de dire que la Campagne de Russie a été gagnée en l'espace de deux semaines" (1); mais le 11 août 1941, soit à peine un mois plus tard, le même général a bien été bien forcé d'admettre que "au vu de la situation générale, il est de plus en plus clair que nous avons sous-estimé le colosse russe"

Car petit à petit, la résistance soviétique s'organise, se renforce... et surtout se durcit, tant par patriotisme authentique et haine sincère de l'envahisseur que par simple crainte des pelotons d'exécution du NKVD, lesquels fusillent à tour de bras et "pour l'exemple" (2)

A cela s'ajoute l'inévitable casse-tête que représente le ravitaillement de millions de soldats, et de dizaines de milliers d'avions et de véhicules, sur un Front qui s'étire sur plusieurs milliers de kilomètres, un casse-tête encore aggravé par le comportement des soldats soviétiques, qui n'hésitent pas à tout brûler dans leur retraite,... en ce compris les fermes et les habitations de leurs propres compatriotes civils - dès lors condamnés à mourir de faim et de froid - afin que l'Armée allemande, contrairement à ce qu'elle avait prévu avant l'offensive, ne puisse en aucune manière "vivre sur le terrain".

Et puis, et surtout, il y a le fait qu'Hitler, comme Napoléon avant lui, a tout simplement eu les yeux plus grands que le ventre...

(1) Kershaw, op. cit, page 579
(2) à Stalingrad, en 1942, plus de 13 000 soldats russes furent ainsi fusillés "pour l'exemple", et un nombre plus considérable encore envoyés à la boucherie face à des Allemands qui les fauchaient à la mitrailleuse...

dimanche 21 août 2016

4926 - le salut par les "Allemands raciaux"

Un Panther de la Frundsberg, en  1944. Les Volksdeutsche y étaient majoritaires
... mais qu'ils soient Finlandais, Danois, Norvégiens ou encore Hollandais ou Flamands, les volontaires "nordiques" ne se bousculent pas franchement au portillon : sur les quelque 19 000 hommes que compte la SS-Wiking au déclenchement de l'Opération Barbarossa, 90% sont en effet... Allemands.

Heureusement pour Himmler, les Volksdeutsche, ces "Allemands raciaux" issus des minorités germanophones de toute l'Europe, et pour lesquels le Reich est tout de même parti en guerre, offrent de bien meilleures perspectives de recrutement !

Parmi ceux-ci, on trouve notamment les "malgré-nous" alsaciens, mosellans, luxembourgeois ou originaires des cantons de l'Est belges, à qui le Reich va d’abord imposer le service militaire avant de les pousser non seulement dans la Wehrmacht, mais aussi dans la Waffen-SS.

Mais les "Allemands raciaux" sont surtout présents en Tchécoslovaquie, en Pologne, en Hongrie, en Yougoslavie ou encore en Roumanie,... même si c’est parfois au prix d’un considérable effort d’imagination : parlant des Volksdeutsche roumains, Théodor Eicke, commandant de la SS-Totenkopf, ne pourra ainsi s'empêcher de noter que parmi eux, "il y en a un grand nombre que l'on peut qualifier d'esprits inférieurs. Beaucoup ne savent ni lire ni écrire l'allemand " (1)

En pratique, et faute d’alternative, la plupart des divisions SS créées après 1943, comme la Hohenstaufen ou la Frundsberg (2), seront néanmoins composées de ces fameux "Allemands raciaux" qui, en 1944, représenteront par exemple plus de 90% des effectifs de la SS-Prinz Eugen (3)

(1) Knopp, op. cit., page 308
(2) la Frundsberg est aujourd'hui célèbre pour avoir abrité dans son sein l'écrivain allemand Günther Grass. Né dans la ville libre de Dantzig (aujourd'hui Gdansk, Pologne), Günther Grass s'engagea dans la Frundsberg en octobre 1944, à l'âge de 17 ans.

(3) cette surreprésentation des minorités germanophones dans les effectifs de la SS explique également, sans néanmoins l'excuser, les expulsions massives dont celles-ci seront victimes dans toute l'Europe de l'Est de l'après-guerre...

samedi 20 août 2016

4925 - les nouveaux Vikings

SS de la Wiking, en 1944. Cette division fut la première à enrôler des étrangers
… si Himmler veut continuer à étoffer les effectifs de la Waffen-SS, il n’a donc d’autre choix que de la transformer radicalement en une sorte de "Légion étrangère" ouverte à tous les non-Allemands... en autant bien sûr qu'ils vénèrent le Führer et exècrent le "Judeo-bolchevisme".

Au demeurant, depuis que les guerres existent, il s'est toujours trouvé, et dans tous les pays, des gens sincèrement convaincus de se trouver dans le "mauvais camp", et d'autres simplement désireux de s'allier à l'ennemi pour en tirer un quelconque avantage.

Qu'ils le fassent par véritable conviction personnelle ou par pur appât du gain, par affinité idéologique ou alors par ambition, des centaines de milliers d'Européens originaires de pays neutres ou de pays conquis vont donc finir par intégrer les rangs de la Waffen-SS, et par combattre aux côtés de leurs nouveaux camarades Allemands

Reste que dans un premier temps, Himmler s’efforce tout de même de limiter cette ouverture aux étrangers les plus conformes à son "idéal racial", autrement dit aux seuls Scandinaves : dès le 20 avril 1940, il a d'ailleurs obtenu d'Hitler la permission de constituer le régiment SS "Nordland" constitué pour moitié d'Allemands et pour moitié de volontaires danois et norvégiens, un régiment qu'il adoubera personnellement en janvier 1941, lors d'un voyage en Norvège qui lui permettra, tant qu'à y être, de visiter quelques fermes...

Mais le 25 mai 1940, soit dix jours après la capitulation de la Hollande, et trois jours avant celle de la Belgique, il a déjà franchi une étape supplémentaire, en ordonnant la création du régiment SS "Westland", composé cette fois de volontaires hollandais et flamands, qui, en compagnie du "Nordland" et du très allemand "Germania", constitueront, à l'automne, l'ossature de la division SS-Wiking...  

vendredi 19 août 2016

4924 - de moins en moins volontaires...

Le Mufti de Jérusalem, passant les SS musulmans en revue...
… s'il veut compenser les pertes - qui sur le Front russe se font, et se feront, de plus en plus importantes - et, a fortiori, s’il veut étoffer les rangs, Himmler n'a à présent d'autre choix que de recruter en masse, quitte à renoncer à tous ses critères des années antérieures, à commencer par le volontariat.

Au fil des mois, on va ainsi voir de plus en plus de soldats et d'officiers de la Wehrmacht, de la Kriegsmarine, ou même de la Luftwaffe, mutés contre leur gré dans la Waffen-SS.

Après Stalingrad, on verra également, dans les conseils de révision, des SS harceler les futures recrues pour les inciter à s'engager chez eux, et même des employés et des infirmiers falsifier les documents d'incorporation au profit de la Waffen-SS.

L’ennui, c'est que le bassin de la population masculine allemande n'est pas inépuisable,... et est surtout - et avec le plein assentiment d'Hitler - jalousement gardé par la Wehrmacht pour son usage quasi-exclusif !


De manière assez incroyable, cette SS, qu'Himmler a toujours voulu, et présenté, comme une "élite raciale" et comme une nouvelle "chevalerie" de "guerriers nordiques", cette SS va donc devoir s'ouvrir à des volontaires étrangers de moins en moins germanophones, de moins en moins nordiques et, pour tout dire, de moins en moins "aryens" puisqu'on finira par y voir des Belges, des Français, des Italiens et même... des musulmans albanais !

jeudi 18 août 2016

4923 - le problème du recrutement

SS musulmans de la Handschar... tout sauf "Aryens"
... petit à petit, dans la plus grande discrétion,... et avec l'aide de milliers de travailleurs forcés, Himmler est donc en train de faire de la SS un véritable conglomérat commercial et industriel aux multiples ramifications.

Reste que la raison d'être de cette SS demeure malgré tout le combat, que ce soit sur le Front intérieur (avec le RSHA) ou extérieur (avec la Waffen-SS)  

Et dans ce domaine-là, hélas, le Reichsführer se retrouve aujourd'hui confronté au même problème que tous les industriels allemands...

... le recrutement.

En juillet 1940, la Waffen-SS ne comptait en effet quelque 100 000 hommes, qui n’avaient joué qu’un rôle fort mineur dans la Bataille de France.

Mais la volonté d’Himmler de faire de cette "chevalerie aryenne" le véritable fer de lance de l’armée allemande ne peut que faire exploser les effectifs : fin 1941, les Waffen-SS seront déjà 220 000, puis 500 000 fin 1943, et plus de 900 000 à la fin de 1944 (!)

Et si leur ardeur au combat n’est que rarement mise en cause, ces hommes n’en continuent pas moins de subir des pertes démesurées, particulièrement à la Totenkopf, où les effectifs, qui se chiffraient à 17 000 hommes en juin 1941, auront été réduits par trois en mars de l'année suivante !

mercredi 17 août 2016

4922 - des vertus de l'agriculture biodynamique et de l'eau minérale...

les serres de Dachau, en 1945, après la capture du camp par les Américains
... mais Himmler ne se contente pas de signer des accords commerciaux avec de grandes firmes comme IG-Farben : toujours avide d'accroître la sphère d'influence de la SS dans toutes directions possibles et imaginables, le Reichsführer multiplie également les rachats ou créations d'entreprises qui, grâce à la main d’œuvre gratuite des camps de concentration,  se chargeront ensuite de fournir à la SS, et à un prix défiant évidemment toute concurrence, les uniformes, équipements et autres articles dont elle a besoin.

Et comme le Reichsführer est, après tout, ingénieur agronome de formation, les dits camps vont aussi servir de fermes expérimentales pour ses diverses théories agraires : dès janvier 1939, son "Deutsche Versuchsanstalt für Ernährung und Verpflegung" ("Institut de recherche allemand sur la nourriture et la nutrition" ou DVA) a ainsi installé ses pénates à Dachau afin d'y cultiver différentes variétés d'herbes médicinales.

D'autres camps vont suivre dans les années à venir, offrant aux rares visiteurs le spectacle pour le moins inattendu de petits oasis de vie au milieu de véritables usines de mort,...

Mais l'existence de ces oasis n'est cependant connue que de quelques rares initiés : Hitler, et la plupart des caciques du NSDAP, se méfient en effet de cette "Agriculture biodynamique" largement inspirée d'une Anthroposophie (1) qui, depuis la fuite de Rudolf Hess, grand adepte de cette doctrine, est particulièrement mal vue en Allemagne...

Et c'est encore dans cette même logique d'une vie et d'une alimentation "plus saines" qu'Himmler, dont l'estomac délicat ne tolère pas l'alcool, lorgne également les usines... d'eau minérale : en 1944, plus de 75% de toute l'eau minérale vendue en Allemagne sera ainsi fabriquée par des entreprises appartenant à la SS !

(1) l'Anthroposophie avait été fondée par le philosophe et occultiste Rudolf Steiner au début des années 1900
(2) le 10 mai 1941, dans des circonstances rocambolesques, Rudolf Hess, secrétaire particulier et adjoint d'Hitler, s'était envolé d'Allemagne pour l'Angleterre afin d'y promouvoir un très hypothétique traité de paix 

mardi 16 août 2016

4921 - faire payer les Juifs

Buna-Monowitz, vers 1943 ou 1944
... depuis l'arrivée des Nazis au Pouvoir, en 1933, il a toujours été entendu que "les Juifs devaient ficher le camp", d'Allemagne d'abord, de l'Europe toute entière ensuite.

Mais quel que soit le moyen choisi pour y arriver, il a également toujours été entendu qu'il ne devait strictement rien coûter au Reich et même, si possible, lui rapporter de l'argent !

Dans la seconde moitié des années 1930, et avant d'être autorisés à émigrer, les Juifs allemands ont ainsi dû revendre leurs biens à vil prix à de "vrais Aryens" comme Hermann Goering, puis acquitter une "taxe de sortie" non négligeable; en 1938, ce sont également eux qui ont dû payer la facture, ou plus exactement la "taxe d'expiation" de cette "Nuit de Cristal" dont ils ont pourtant été les seules victimes; dans les ghettos polonais surpeuplés, la nourriture et le combustible ne sont aujourd'hui distribués aux Juifs - en quantités par ailleurs dramatiquement insuffisantes - qu'en échange d'heures de travail au profit de la Wehrmacht ou de petites entreprises œuvrant pour le compte de l'Occupant; et en URSS, les Juifs ne sont assassinés par les Einsatzgruppen qu'après avoir été délestés au préalable de tous leurs bijoux et articles de valeur, voire même de leurs propres vêtements !

Faire travailler les Juifs des camps de concentration jusqu'à ce qu'ils meurent d'épuisement obéit donc à la même logique mercantile,... une logique d'autant plus tentante pour Himmler et sa SS que des firmes comme IG Farben ne manqueront jamais de payer un salaire à chaque travailleur - ou plutôt à chaque esclave - qu'elles emploieront : un salaire notoirement inférieur à celui dont bénéficieront les travailleurs allemands, mais un salaire dont ces malheureux ne verront jamais la couleur puisque versé directement sur les comptes de la SS...

lundi 15 août 2016

4920 - quand IG Farben entre en scène

 l'usine de Buna-Monowitz, en construction, 1942
... car à présent que le Troisième Reich est en guerre, et bientôt en "guerre totale", les industriels allemands sont confrontés à un défi de taille : trouver de la main d’œuvre pour satisfaire l'insatiable demande de tanks, d'avions, de canons, de sous-marins, mais aussi de roulements à bille, de béton, de câbles électriques ou encore de vitres, de briques ou de pneus

La plupart des hommes étant déjà enrôlés sous les drapeaux, ou appelés à y servir sous peu, et le régime nazi ne montrant - contrairement à son adversaire soviétique - aucun empressement à mobiliser les femmes pour le travail en usines, la seule solution est donc de recruter à l'étranger - c-à-d dans les pays conquis - des travailleurs parfois volontaires mais le plus souvent forcés, certes bien moins productifs mais aussi bien moins coûteux que les travailleurs allemands.

Leader mondial de la chimie, la société IG Farben ambitionne ainsi de construire rien moins que la plus grande usine de buna (2) - c-à-d de caoutchouc synthétique - d'Europe, ce qui, à l'évidence, réclamera de nombreux terrains mais aussi une main d’œuvre abondante.

Pour Himmler, l'occasion est trop belle : en mars 1941, le Reichsführer signe donc avec les dirigeants d'IG Farben un accord qui garantit à ces derniers la mise à disposition, à Auschwitz, ou plus exactement sur un site voisin que l'on appellera bientôt Buna-Monowitz, de tous les terrains et de toute la main d'oeuvre concentrationnaire dont ils auront besoin...

(1) à son procès en 1946, Friz Sauckel, "Generalbevollmächtigter für die Zwangsarbeit" ("Plénipotentiaire général pour la mobilisation de la main d’œuvre") reconnaîtra lui-même que sur les cinq millions de travailleurs venus de l'étranger, seuls deux-cent-cinquante-mille avaient réellement été volontaires...
(2) abréviation de butadiène-natrium

dimanche 14 août 2016

4919 - le travail rend libre

Höss, lors de son témoignage à Nuremberg, en 1946
... mais si Höss ne ressemble en rien au "surhomme aryen" cher à Himmler, il évoque encore moins, par sa personnalité et sa biographie, le "Chevalier sans peur et sans reproche" qui, toujours selon Himmler, constitue pourtant l'essence-même de la SS !

Höss est en effet un authentique sociopathe dénué de toute empathie, et aussi un meurtrier, condamné à dix années d'emprisonnement en 1924 pour le meurtre de Walter Kadow, un opposant politique accusé par les Nazis d'avoir livré Leo Schlageter aux Français (1)

C'est d'ailleurs en prison, d'où il sortira néanmoins dès 1928 à la faveur d'une amnistie, que Höss a pour la première fois réalisé que les détenus supportent d'autant mieux leur incarcération qu'ils se voient confier un travail quelconque (2),... une "révélation" qui se confirme en 1934, à l'occasion de son séjour - cette fois du côté des gardiens - au camp de concentration de Dachau

Comme le souligne Laurence Rees dans son "Auschwitz", [Höss] "se rendit compte que le travail jouait un rôle similaire à Dachau, permettant aux internés "de se discipliner et de lutter contre les influences néfastes de la prison". Höss était si bien convaincu de l'effet palliatif du travail en camp de concentration qu'il reprit même le slogan utilisé pour la première fois à Dachau - Arbeit macht Frei, (le Travail rend Libre) - pour l'inscrire sur la grille d'entrée à Auschwitz"

Car c'est à Auschwitz, six ans plus tard, que Höss va passer à l'Histoire, en cherchant en permanence à améliorer "l'efficacité" d'un camp qu'Himmler veut lui-même "modèle", et sur lequel il fonde à présent de grands espoirs... économiques

(1) membre du NSDAP et chef d'un groupe de résistance opposé aux troupes d'occupation françaises de la Rühr, Leo Schlageter fut condamné à mort par un tribunal militaire français, et fusillé le 26 mars 1923, devenant ainsi le premier martyr du nazisme...
(2) dans son cas, le collage de sacs en papier

samedi 13 août 2016

4918 - loin de la SS réelle...

Rudolf Höss - à droite - et Himmler
... "Quiconque montre ne serait-ce que le plus infime vestige de sympathie envers les détenus doit aussitôt disparaître de nos rangs. Je n'ai besoin que de durs, des SS engagés sans réserve. Il n'y a pas de place pour les tendres parmi nous !" (Theodor Eicke)

Aujourd’hui encore, Auschwitz est le symbole-même de la Shoah, et le "Camp de la Mort" par excellence.

Mais lorsque Rudolf Höss en a pris le commandement, en mai 1940, Auschwitz venait à peine d'ouvrir ses portes et n'était encore qu'un simple camp de concentration parmi tant d’autres, un camp par ailleurs de forts modestes dimensions, puisque uniquement conçu pour contraindre des prisonniers politiques polonais au travail forcé et pour une durée plus ou moins longue.

A lui seul, le parcours de Höss,résume pourtant toute la distance qui sépare la SS "réelle" de celle, entièrement fantasmée, que continue de défendre Heinrich Himmler.

Décoré - tout comme Hitler - de la Croix de Fer lors de la 1ère G.M., puis membre des Freikorps - tout comme Himmler - au lendemain de celle-ci, Höss est certes un nazi convaincu, et même un nazi de la première heure, qui s'est inscrit au parti dès 1922.

Mais au physique déjà, il n'évoque nullement le puissant guerrier blond cher à Himmler : brun et de faible stature - tout comme Himmler - il n'a d'ailleurs rien pour retenir l'attention et encore moins les caméras de la Propagande nazie...

vendredi 12 août 2016

4917 - et de ses inconvénients...

Le Zyklon B : un insecticide plus efficace que de simples gaz d'échappement
... par rapport au fusil, à la mitrailleuse, ou encore à la dynamite (!), l'utilisation de simples gaz d'échappement pour éliminer les Juifs, et plus généralement tous ceux "dont la vie ne mérite pas d'être vécue", offre incontestablement certains avantages

Dans n'importe quel camp de concentration, en étanchéifiant simplement quelques cellules, et en les raccordant aux échappements moteurs de vieux tanks ou de vieux camions qu'on laissera tourner pendant environ une heure, on sera en effet bientôt en mesure - du moins en théorie - d’"évacuer" plusieurs milliers de personnes par jour, le tout dans une discrétion de bon aloi.

Appliquée à des unités de gazage mobiles, autrement dit à des "camions à gaz", la même méthode offrira d'autre part la possibilité d'opérer à proximité immédiate du Front, et en dehors de toute infrastructure dédiée.

Mais la dite méthode n’en restera pas moins entachée de sérieux inconvénients, dont la consommation de carburant, ou la longueur du processus lui-même.

La solution "idéale" ne sera finalement trouvée que plus tard, à Auschwitz, lorsqu'on se mettra à injecter à l'intérieur d'une pièce étanche non plus des gaz d'échappement, mais bien "un produit chimique employé pour éliminer les insectes autour du camp (...) commercialisé sous le nom de Zyklon B"... 

jeudi 11 août 2016

4916 - de l'intérêt du camion...

Un des "camions à gaz", inspecté après la guerre.
... dynamiter les Juifs n'étant manifestement pas une solution très efficace, Widmann, nullement découragé par cette première expérience, envisage alors de recourir au monoxyde de carbone en bouteilles, méthode qu’il a déjà eu l'occasion de tester avec succès sur les malades mentaux allemands.

Mais comment acheminer des dizaines de milliers de bouteilles de gaz jusqu'aux recoins les plus reculés de la steppe russe, et comment les utiliser ensuite de manière sécuritaire... pour les tueurs ?

L’imagination étant partout fille de la nécessité, Widmann se rappelle alors d'une mésaventure survenue à nul autre qu'Artur Nebe qui, s'en revenant en voiture d'une soirée manifestement très arrosée, s’était endormi dans le garage sans couper le moteur, et avait ainsi failli mourir asphyxié par les gaz d'échappement du véhicule !

Pourquoi ne pas tenter de raccorder directement le pot d'échappement d'une voiture à une canalisation donnant dans le sous-sol de l'hôpital psychiatrique de Mogilev, près de Minsk ?

"On enferma donc divers patients dans une pièce avant de mettre le moteur en marche. Initialement, l'essai ne fut guère concluant (...) le monoxyde de carbone n'était pas suffisant pour tuer les patients. On arrangea les choses en remplaçant la voiture par un camion. Cette fois-ci (...), ce fut un succès. Widmann avait découvert un moyen efficace et bon marché de tuer en minimisant l'impact psychologique du crime sur les tueurs" (1)

Ne reste plus ensuite ensuite qu'à étanchéifier un banal camion, et à en bricoler quelque peu l'échappement, pour obtenir un parfait "camion à gaz", c-à-d un instrument de Mort à la fois discret, relativement économique, et de surcroît capable d'accompagner les troupes dans tous leurs déplacements sur le terrain...

(1) Goldhagen, op. cit.

mercredi 10 août 2016

4915 - des débuts tourmentés...

tuer par balles s'avérant trop pénible, on envisagea de recourir au dynamitage...
… mais trouver un moyen alternatif à la fois simple, efficace, peu coûteux et surtout psychologiquement plus "acceptable" n’est hélas pas chose aisée !

Sous-lieutenant dans la SS, le docteur Albert Widmann a déjà collaboré au gazage des malades et handicapés mentaux allemands dans le cadre l'Aktion T4

Rencontrant Artur Nebe, chef de l'Einsatzgruppe B, peu de temps après le départ d'Himmler, ce nouveau spécialiste du meurtre de masse se fait en tout cas un devoir de trouver rapidement une solution qui rencontrerait les désirs de son chef.

Mais les débuts sont pour le moins tourmentés, pour ne pas dire surréalistes, puisque l'une des premières méthodes testées consiste tout bonnement... à faire sauter les victimes désignées à l'explosif, à l'intérieur d'un bunker !

"Le spectacle était atroce", raconta le capitaine Wilhelm Jaschke. "L'explosion n'avait pas été assez forte. Certains blessés sortirent de la tranchée en rampant et en hurlant. Le bunker s'était totalement effondré. Des lambeaux de corps étaient éparpillés sur le sol, accrochés aux arbres. Le lendemain, nous avons ramassé ces corps déchiquetés et les avons jetés dans le bunker. Les parties accrochées trop haut dans les arbres, nous les avons laissées sur place"…

mardi 9 août 2016

4914 - "Vous ne pouvez pas me tirer de là ?"

"Vous ne pouvez pas me tirer de là ? Je n'en peux plus, c'est épouvantable !"

... justifiées… du moins pour qui accepte - ne serait-ce qu’un instant - d’envisager la situation du point de vue des nazis en général, et de celui d’Himmler et d’Heydrich en particulier, ces exécutions massives n’en souffrent pas moins d’un défaut majeur et à vrai dire rédhibitoire…

… elles sont très éprouvantes… pour les nerfs de ceux qui s'y adonnent (!), comme en témoigne d'ailleurs Walter Frentz, officier de liaison de la Luftwaffe, mais aussi cameraman au QG d'Hitler, qui, le 15 août 1941, à Minsk,  se retrouve bien malgré lui témoin privilégié d’un de ces massacres.

"Je suis allé sur les lieux de l'exécution, et le commandant de la police auxiliaire m'a ensuite abordé parce que j'étais de l'Armée de l'Air. "Lieutenant, m'a-t-il dit, je n'en peux plus. Vous ne pouvez pas me tirer de là ? (...) Je n'en peux plus, c'est épouvantable !""

Et de fait, la boucherie est telle qu'Himmler, également présent sur les lieux, est si profondément ébranlé par ce qu’il voit qu'il en vient à s'inquiéter non pas des Juifs ainsi assassinés, mais plutôt... de la santé mentale future des hommes chargés des assassinats !

Et le Reichsführer-SS d’aussitôt ordonner la recherche de méthodes qui aboutiraient au même résultat tout en créant moins de troubles psychologiques parmi la troupe...

lundi 8 août 2016

4913 - une logique implacable

Les exécutions de masse : plus rapides et plus sûres que les ghettos...
… aussi barbares et primitives peuvent-elles sembler, ces tueries n’en obéissent pas moins à une implacable logique économique !

Car en vérité, et pour qui accepte de se mettre, ne serait-ce qu’un instant, à la place d’Himmler et d’Heydrich, quel serait l’intérêt de recréer, en URSS, des ghettos de Juifs supplémentaires ? des ghettos qui, parce que surpeuplés et impossibles à ravitailler, deviendraient une fois de plus d’ingérables et fort dangereux foyers d’infections,  des ghettos qu’il faudrait de toute manière se résoudre à vider un jour mais qui, dans l’intervalle, mobiliseraient quantités de policiers et de militaires assurément plus utiles sur et derrière le Front ?

Et après plus d’une décennie de déshumanisation des Juifs et de banalisation du meurtre, et à l’heure où les plus hauts responsables du Reich - à commencer par Himmler lui-même - ne se font pas mystère de parler en millions de morts, comment pourrait-on envisager de traiter les Juifs soviétiques avec davantage de considération que n’en ont bénéficié jusqu’ici les Juifs ouest-européens, tout de même plus "conformes", par la langue, la culture, les coutumes ou encore l’habillement, à l’Allemand "moyen"

En Allemagne, en France, en Belgique, et qu’il appartienne ou non à la SS, le soldat du Reich peut encore ressentir, sinon de la sympathie, du moins une relative indifférence à l’endroit des Juifs locaux qu’il croise dans des quartiers et des rues en tout point semblables aux siens.

Mais en Pologne et, plus encore en URSS, ce même soldat ne voit plus que la puanteur et la crasse d'êtres miséreux, aux mœurs et au sabir le plus souvent incompréhensibles, que la Propagande ne cesse de toute manière de lui présenter comme des infra-humains, et même des virus, dont l'éradication  définitive représenterait assurément un progrès décisif pour la Civilisation...

dimanche 7 août 2016

4912 - assassiner en masse

"La vague suivante devait venir s'allonger sur les cadavres sanglants..."
... à Lomazy, on force les Juifs à creuser une énorme fosse, puis à s'y allonger pour y recevoir une balle dans la tête.

"La vague suivante devait venir s'allonger sur les cadavres sanglants de leurs prédécesseurs, aux crânes éclatés. La fosse se remplissait progressivement. [Debout dans la fosse] les Hiwis (1) ne cessaient de boire, ils étaient ivres et leur tir était de moins en moins précis (...) de nombreux Juifs n'étaient pas tués par la balle (...) les nouveaux groupes de Juifs qui arrivaient dans la fosse étaient parfois contraints de s'allonger sur des corps sanglants, en proie aux convulsions de l'agonie (...) Et il y avait pire encore : en creusant la fosse, on avait atteint la nappe phréatique et, l'eau montante se mêlant au sang, des cadavres commençaient à flotter"

 Le tir des supplétifs Hiwis se faisant de moins en moins précis à mesure que l'alcool se raréfie, les soldats allemands n'ont bientôt plus d'autre choix que de prendre la relève,... à leur plus grand déplaisir.

"On a refusé parce qu'il y avait déjà près de 50 centimètres d'eau dans la fosse", raconta un soldat allemand. "En plus, il y avait partout des cadavres qui flottaient (...) On a décidé que les exécutions devaient se faire en deux groupes, chacun de huit ou dix hommes. La méthode adoptée était différente de celle des Hiwis : ces deux pelotons d'exécution se mettraient sur les deux bords opposés de la fosse (...) Chaque homme tirait sur les Juifs qui étaient du côté opposé au sien. Chaque peloton tirait environ une demi-heure avant d'être relevé"

La boucherie dure ainsi pendant deux heures et aboutit à la mort d'environ 1 700 Juifs, hommes, femmes et enfants...

(1) abréviation de les "Hilfwillige", les Hiwis étaient des auxiliaires russes servant, volontairement ou non, dans l'armée allemande.

samedi 6 août 2016

4911 - quand le compteur s'affole

Exécution de juives dans le ravin de Babi-Yar
... 6 000 Juifs "liquidés" à Brest-Litovsk dès les premières semaines de juillet, 23 000 à Kamenets fin août, plus de 33 000 - à la mitrailleuse lourde - dans le tristement célèbre ravin de Babi-Yar (près de Kiev) en septembre, 19 000 à Minsk et 21 000 à Rovno en novembre, 25 000 à Riga en décembre, 10 000 à Kharkov en janvier 1942,... partout en URSS, le "compteur de Juifs" s'affole...

A Bialystok, on les rassemble sur la place du marché pour les fusiller avant de se résoudre - la procédure s'avérant bien trop lente - à enfermer les survivants dans la synagogue, puis à y mettre le feu....

"C'est ce que j'appelle un joli petit feu, qu'est-ce qu'on rigole !", s'exclame un homme du 309ème bataillon de police à la vue de l'incendie dans lequel périssent plus de 700 Juifs, hommes, femmes et enfants.

A Mizocz, on préfère les faire sortir de la ville pour les emmener en forêt, les forcer à se déshabiller, puis les fusiller par rangées entières, les bébés étant abattus en même temps que leur mère ou alors simplement arrachés à celle-ci, soulevés par un pied et achevés d'une balle dans la tête

"J'avais à tirer sur une vieille femme de plus de 60 ans", raconta un policier allemand. "Je me souviens encore que cette vieille femme m'a dit de faire ça très vite ou quelque chose de ce genre (...) A côté de moi, il y avait le policier Koch. Lui, il devait abattre un petit garçon d'une douzaine d'années. On nous avait expressément recommandé de tenir le canon à 20 centimètres de la tête. Apparemment, Koch ne l'avait pas fait parce que quand on a quitté le lieu de l'exécution, des camarades se sont mis à rire de moi en voyant que des morceaux de la cervelle de l'enfant avaient atteint mon pistolet et y étaient restés collés. Je leur ai demandé pourquoi ils riaient et Koch, en montrant du doigt la cervelle sur mon pistolet, a dit "ça vient du mien, il a fini de gigoter". Il disait ça d'un ton tout fier" (1)

(1) Daniel Goldhagen, Les bourreaux volontaires d'Hitler

vendredi 5 août 2016

4910 - redoubler d'ardeur meurtrière

Exécution de Juifs près de Kovno
... Grodno, 30 juin 1941

L'anecdote vaut mille morts : le 30 juin, alors qu'ils pénètrent dans Grodno (Biélorussie) pour une tournée d'inspection, Heydrich et Himmler ont la surprise de ne trouver aucun membre des Einsatzgruppen dans cette ville conquise une semaine auparavant et qui abrite pourtant la plus importante communauté juive de la région

Heydrich s'emporte, adresse une sévère réprimande au responsable de l'Einsatzkommando local, avant d'en faire de même avec Arthur Nebe, chef de l'Einsatzgruppe B, qui se confond en excuses, et garantit à son supérieur que même si "seulement 96 Juifs ont été liquidés dans les premiers jours", il a personnellement donné des ordres pour que cela soit "grandement augmenté" (1)

Et de fait, de retour deux semaines plus tard, l'infernal duo a la satisfaction d'assister à de nombreuses exécutions massives de civils, non seulement à Grodno mais aussi à Oschmiany et Vilnius...

A Augustowo, le chef de l'Einsatzkommando Tilsit,  Hans  Böhme, est pour sa part bien embêté et se demande si ses hommes, engagés dans diverses "expéditions punitives" au cours des jours précédents, ne sont pas allés trop loin dans l'exécution de civils.

Pas du tout, le rassure aussitôt Heydrich qui, en compagnie d'Himmler, "approuve entièrement ses actions",  ce qui, on s'en doute, ne peut qu'inciter Böhme et ses hommes à poursuivre de plus belle : le lendemain, 300 civils de plus sont passés par les armes; le 18 juillet, le "compteur" de l'Einsatzkommando Tilsit atteint la marque de 3 302 personnes…

(1) Gerwarth, op. cit. page 191

jeudi 4 août 2016

4909 - "quand nous aurons gagné, qui nous demandera des comptes sur la méthode".

"Quand nous aurons gagné, qui nous demandera des comptes sur la méthode"
... à Nuremberg, comme dans tous les procès qui s'ensuivront, les membres des Einsatzgruppen, jugés comme criminels de guerre, nieront ou minimiseront leurs exactions en URSS, ou argueront, comme Eichmann, qu'en bons soldats, ils se sont en réalité bornés à "exécuter les ordres reçus".

Mais en définitive, la véritable explication de leur comportement doit sans doute être cherchée ailleurs, à savoir dans cette invraisemblable idéologie des "sur-" et des "sous-hommes" qu'Himmler, - mais pas seulement lui ! - leur a inlassablement martelée pendant des années, ainsi que dans la banalisation progressive du meurtre qui, au printemps 1941, a amené non seulement la SS, mais aussi la quasi-totalité de la Wehrmacht, à ne plus raisonner qu'en "millions de morts"...

Car comment reprocher à un frustre caporal de l'Einzatsgruppe D d'avoir personnellement exécuté par balles quelques dizaines de femmes et d'enfants juifs alors que son chef, Otto Ohlendorf, pourtant brillant juriste et économiste, a coordonné l'assassinat de dizaines de milliers d'entre eux, et son chef à lui, Reinhard Heydrich, celui de centaines de milliers ?

Et comment en vouloir à Heydrich de préférer désormais le meurtre de masse à la "relocalisation" quand son propre supérieur, Heinrich Himmler, ne voit aucun problème, et n'éprouve pas la moindre gène, à mentionner, le 11 juin 1941, lors d'une réunion au Château de Wewelsburg, devenu le nouveau Camelot de la chevalerie SS, qu'il estime pour sa part à... trente millions (!) le nombre de personnes appelées à disparaître en URSS ?

Et comment en vouloir à ce dernier quand, à peine cinq jours plus tard, Adolf Hitler lui-même souligne "que nous devons gagner", et ce "que nous ayons ou tort",  parce que c'est "la seule voie", parce que celle-ci est "moralement juste et nécessaire" et enfin, et surtout, parce que "quand nous aurons gagné, qui nous demandera des comptes sur la méthode"...

mercredi 3 août 2016

4908 - l'entente cordiale

Motocyclistes allemands et civils ukrainiens près de Rovno, juillet 1941
... Graz, 16 avril 1941

Et si l'armée régulière elle-même considère que la guerre en URSS ne sera pas une guerre ordinaire, mais bien une véritable entreprise "d'anéantissement", autant dire que les Einsatzgruppen, qui devront à nouveau suivre fidèlement sa progression, auront cette fois carte blanche pour exécuter qui ils veulent sans provoquer autre chose que de vagues haussements d'épaule !

De fait, dès le 26 mars 1941, soit trois mois avant l'attaque, Heydrich a déjà toutes les raisons de se féliciter du nouvel état d'esprit qui prévaut désormais dans l'Armée, puisque d'emblée le général Wagner se déclare prêt à autoriser les Einsatzgruppen à "identifier et combattre les activités subversives contre le Reich" derrière les lignes de Front, mais aussi, et surtout, à le faire "sous leur seule responsabilité", et en ne recevant leurs ordres que d'Heydrich pour toutes les "mesures touchant la population civile" (1)

Légèrement ralentis par les crises yougoslaves et grecques (2), qui contraignent la Wehrmacht, mais aussi les Einsatzgruppen, à intervenir dans l'urgence et à offrir ainsi deux nouvelles conquêtes... et des dizaines de milliers de Juifs supplémentaires (!) au Reich, les pourparlers entre l'Armée et la SS aboutissent, le 16 avril, dans un hôtel de Graz, à la signature d'un accord formel sur le rôle et les attributions des uns et des autres.

Mais Heydrich, fidèle à ses habitudes, n'a pas attendu la signature de cet accord pour prendre les devants. constituer les unités, et désigner les chefs qui vont bientôt entrer dans le Livre noir de la 2ème G.M...

(1) Gerwarth, op cit, page 185
(2) le 27 mars 1941, un coup d'État militaire avait renversé le gouvernement pro-allemand au Pouvoir à Belgrade. Ce coup d'État, et la menace d'un complet effondrement de l'Armée italienne en Grèce, avaient incité Hitler à y intervenir afin de sécuriser les arrières de la future Opération Barbarossa

mardi 2 août 2016

4907 - "des dizaines de millions d'hommes seront sans doute condamnés à mourir de faim"

"des dizaines de millions d'hommes seront sans doute condamnés à mourir de faim"
... si le sort qui attend les Juifs et les communistes russes est déjà réglé bien avant le début de l'offensive à l'Est, celui qui attend les militaires et civils "ordinaires" n'est guère plus enviable : dans l'esprit d'Hitler et de ses généraux, l'URSS n'est en effet rien d'autre qu'un gigantesque réservoir de ressources naturelles et de main d'œuvre servile, dans lequel on pourra puiser à volonté et sans se soucier des conséquences.

Du reste, dans l'élaboration-même des plans de Barbarossa, rien n'a été prévu pour assurer le ravitaillement des troupes depuis l'Allemagne ni, a fortiori, celui des millions de prisonniers de guerre et de civils russes qui vont se retrouver entre  les mains du Reich !

Un rapport de la direction économique de la Wehrmacht, daté du 2 mai 1941, explique au contraire, et sans la moindre fioriture, que "l'armée allemande toute entière devra être nourrie aux dépens de la Russie", ce qui implique donc que "si nous prélevons ce dont nous avons besoin dans le pays, des dizaines de millions d'hommes seront sans doute condamnés à mourir de faim"

Quelques semaines plus tard, le même organisme enfonce encore un peu plus le clou, en soulignant que l'objectif de cette guerre est désormais d'utiliser les ressources agricoles de l'URSS non seulement pour nourrir l'armée allemande,... mais aussi pour ravitailler l'Europe toute entière ! .

Du haut en bas de la hiérarchie militaire, personne ne s'interroge sur la simple moralité de cette démarche qui, immanquablement, va condamner à mort des dizaines de millions d'innocents : dans la logique nazie, les Russes et les sous-hommes juifs ne méritent tout simplement pas de vivre, et il serait en vérité plus humain et civilisé de les tuer instantanément d'une balle dans la tête plutôt que de les laisser lentement mourir de faim !

lundi 1 août 2016

4906 - mortelle surenchère

"Cette lutte doit avoir pour but la destruction de la Russie actuelle"
... une fois les objectifs de cette guerre "d'anéantissement" établis, ne reste plus qu'à en définir les décrets d'application,... ce que l'État-major, même s'il s'en défendra par la suite, s'empresse de faire avec un zèle digne d'éloges !

Le 28 avril 1941, et à la plus grande satisfaction d’Himmler et d’Heydrich, Brauchitsch ordonne ainsi aux officiers de la Wehrmacht de collaborer pleinement avec les Einsatzgruppen chargés de liquider les Juifs et les communistes derrière les lignes allemandes.

Le "Décret sur l'exercice de la juridiction de guerre dans la zone Barbarossa" du 13 mai va plus loin encore, et réécrit presque entièrement le Droit habituel de la Guerre, en autorisant la troupe "à se faire justice elle-même de tout acte hostile en lieu et place des tribunaux militaires. Ceux qui pratiquaient la guérilla devaient être fusillés sans autre forme de procès. Dans les cas où l'on ne parviendrait pas à identifier rapidement les coupables, des représailles collectives contre des communautés villageoises entières devaient être ordonnées". (1)

Le 6 juin, une autre directive, dite "des commissaires" dénie aux commissaires politiques russes, pourtant membres effectifs de l'Armée rouge, le droit de se prévaloir du titre de combattant, et ordonne leur exécution immédiate sur le terrain, et sans procès !

Issus du sommet de la hiérarchie militaire allemande, tous ces décrets se traduisent ensuite par une multitude d'ordres opérationnels distribués par chaque chef de corps à toutes les unités placées sous son commandement

"Cette lutte doit avoir pour but la destruction de la Russie actuelle et doit donc être menée avec une sévérité sans précédent", souligne ainsi l'ordre opérationnel du 2 mai au 4ème groupe de Panzers. "Dans sa conception comme dans son exécution, toute action militaire doit être conduite d'une main de fer et sans quartier afin d'anéantir l'ennemi. En particulier, il ne saurait être question d'épargner les représentants de l'actuel système russo-bolchevique" (2)

(1) Lemay, op. cit., page 215
(2) ibid, page 217